Critique de Black Widow : Marvel sort des sentiers battus
Le blockbuster Marvel de trop ?
Si la Phase 4 naissante du Marvel Cinematic Universe a pour thématique centrale le - ou plutôt les - Temps, celui-ci s’est clairement ligué contre Black Widow depuis l’an dernier. De nombreux retards de production liés à l’émergence puis à l’essor du Covid-19 ont maintenu “l'origin story” de l’Avenger rebelle, incarnée par Scarlett Johansson, dans les limbes. Pendant plus d’un an, Disney a œuvré pour que le blockbuster sorte en salles. Un acharnement qui a fini par payer, alors que le 24e long métrage étiqueté MCU s’apprête à mettre le box-office en ébullition - simultanément à une programmation quasi-mondiale sur la plateforme Disney+ (rangez ce sourire, la France n’a pas adopté cette double option).
Dans son malheur, Black Widow débarque dans une période totalement conquise par le MCU - car elle marque la réinvention de la franchise via les premières séries intégrant cette dernière, de WandaVision à Loki, en passant par Falcon et le Soldat de l’Hiver. Le film réalisé par Cate Shortland, lui, nous impose un retour en arrière, et pas des moindres puisqu’il nous ramène à l’après Captain America: Civil War (coucou 2016 !)
Sur le papier, nous nous retrouvons avec une décision des plus surprenantes, voire perturbantes, prises par Marvel Studios - particulièrement après nous avoir livré un épilogue abouti et concret dans les (longues) dernières minutes d’Avengers: Endgame. Mais en vérité, Black Widow triomphe parce qu'il nous propose un incroyable décalage avec les trois séries pré-citées. Le film d'action se présente ainsi comme une pause rafraîchissante, au milieu des théories foisonnantes et épuisantes sur le multivers. Il rappelle en outre que Marvel n'a pas besoin de nous emmener dans l'espace ou de nous envoyer sauter à travers le temps pour raconter une histoire engageante.
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Ceci n’est pas un film Marvel
L'une des plus grandes réussites de Black Widow est sa capacité à proposer un mélange presque parfait des genres.
Il s'agit d'une préquelle assez banale : nous découvrons quelques facettes supplémentaires sur le personnage relativement énigmatique de Natasha Romanoff, mais aussi les démons encore inexplorés de son passé qui l’ont conduite à sa fin tragique. On pourrait craindre un chantage à la nostalgie, incitant les spectateurs à se ruer dans les salles en misant sur l’un des rares Avengers qui n’ait pas eu le droit à son aventure solo lors de la décennie précédente. Et pourtant, au lieu de pondre la production super-héroïque, Marvel s’amuse à emprunter ici les codes du thriller et du film d’espionnage. Nous avions déjà eu droit à ce cocktail précis avec Captain America: Le Soldat de l’Hiver il y a sept ans. Reste que la Maison des Idées a amélioré la recette depuis et nous sort presque de sa licence phare pour se réapproprier celle de Jason Bourne et de James Bond. Un culot monstre.
A certains moments, Scarlett Johansson semble même défier directement Matt Damon et Tom Cruise, enchaînant les courses-poursuites à grande vitesse, à moto comme dans le métro. Le fait que le compositeur de Mission: Impossible, Lorne Balfe, signe la bande originale du film, participe à cette affiliation qui vient redonner un souffle nouveau au MCU.
Ajoutez à cela des combats mis en scène dans des cadres très restreints (à nous rendre claustrophobes), des séquences d’évasion où l’audio compte plus que l’image, des décors qui nous transportent de Budapest au Maroc et à Cuba… et il est difficile de passer à côté du pied de nez fait à l’encontre de la saga 007 - longtemps réticente à l’idée qu’une femme ne dépasse le stade d’intérêt romancé du héros, jusqu’à Mourir peut attendre visiblement. Dont la sortie est tout aussi attendue, trois mois après celle de Black Widow.
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Autre coupure assumée avec les affiches historiques du MCU : dans Black Widow, le personnage principal est poursuivi plutôt que poursuivant, soumis aux lois de la gravité et engagés dans des corps à corps terriblement réalistes. Le script (et son rendu à l’écran) compte plus de lignes de dialogue, tandis que les scènes d’action s’émancipent du trop-plein de CGI ayant dominé l’univers Marvel de 2010 (si l’on excepte Iron Man) à 2019.
Une affaire de famille
Sans surprise, Scarlett Johansson est plus habitée que jamais dans le rôle de Natasha Romanoff, mais c'est l'ensemble de la distribution qui rend Black Widow aussi convaincant.
Interprétant Alexei et Melina, parents de substitution de notre héroïne et élite de l’espionnage soviétique, David Harbour (de Stranger Things) et Rachel Weisz apportent une réelle alchimie à l’écran, oscillant entre scénettes comiques et phases plus dramatiques qui servent par ailleurs à donner plus de relief à notre Avenger. A la manière de celles d’Helmut Zemo dans Civil War puis dans Falcon et le Soldat de l’Hiver, les interventions du tandem représentent aussi un contrepied à l’image lisse donnée au groupe de super-héros “de l’Ouest”. Si les références au MCU ne sont pas nombreuses, nous aurons droit à quelques pics remplis d’aversion profonde pour Captain America (fans sensibles, s’abstenir).
Dans la famille, il faudra surtout veiller à demander Florence Pugh, alias Yelena, l’atout caché dans la manche de Black Widow. Le second rôle majeur du film ne fournit pas seulement à Johansson une caisse de résonance, elle constitue aussi une fascinante étude de caractère à part entière. Elle est presque plus douée que son homologue des Avengers pour les chorégraphies martiales et l'emporte clairement sur le plan de l'humour.
C'est comme si Pugh faisait partie de l’univers Marvel depuis des années, et il ne serait pas surprenant de la voir revenir pour de futures aventures (la rumeur veut qu'elle apparaisse dans la série Hawkeye, dont la diffusion aurait lieu en fin d’année sur Disney+). Chez TechRadar, nous serions d’avis de lui attribuer sa propre série - il s’agit de l’un des meilleurs personnages du MCU, toutes phases confondues.
Licence artistique
Néanmoins, comme pour la plupart des films Marvel, Black Widow n'est pas exempt de défauts. Le film traîne parfois en longueur, infligeant des transitions plus pataudes qu’un Hulk, pour nous introduire la plupart des protagonistes. Les vilains de l’histoire s’avèrent insipides dans l’ensemble, on n’est loin d’un Thanos ambigu, d’un Loki malicieux, ou d’un Erik Killmonger animé. Ray Winstone, dans le rôle du général marionnettiste Dreykov, ne nous convainc ni en tant que menace globale, ni en tant que russophone. Et que dire de Taskmaster, sorte de mix entre le Chevalier d’Arkham (dans le jeu vidéo Rocksteady du même nom) et une figurine G.I. Joe non achevée. Comment prendre ces deux-là au sérieux ?
L’intérêt de Black Widow réside ailleurs. Après des années passées à mettre dans la lumière des dieux nordiques et des milliardaires en armure, Black Widow offre un film solo accompli qui apporte un nouvel éclairage sur les possibilités encore non exploitées d’une franchise qui peut s’immiscer dans tous les genres cinématographiques. Et se réinventer constamment. Johansson a marqué la chronologie marvelienne sur grand écran. Elle ne reviendra plus dans cet univers, mais Cate Shortland la gratifie d’un épilogue plus approprié que celui d’Avengers: Endgame. Elle le méritait et nous aussi.
Black Widow sortira en salles le 7 juillet 2021. Il est réalisé par Cate Shortland. Avec dans les rôles principaux : Scarlett Johansson (Natasha Romanoff), Florence Pugh (Yelena Belova), David Harbour (Alexei Shostakov), Rachel Weisz (Melina Vostokoff), Ray Winstone (Dreykov), William Hurt (Thaddeus Ross). Durée du film : 2h13.
Axel is TechRadar's UK-based Phones Editor, reporting on everything from the latest Apple developments to newest AI breakthroughs as part of the site's Mobile Computing vertical. Having previously written for publications including Esquire and FourFourTwo, Axel is well-versed in the applications of technology beyond the desktop, and his coverage extends from general reporting and analysis to in-depth interviews and opinion. Axel studied for a degree in English Literature at the University of Warwick before joining TechRadar in 2020, where he then earned an NCTJ qualification as part of the company’s inaugural digital training scheme.