Ne comparez pas Les Anneaux de Pouvoir et House of the Dragon, c'est complètement inutile

Galadriel dans Les Anneaux de Pouvoir
(Crédit photo: Amazon Studios)

Dès qu'Amazon et HBO ont annoncé les dates de sortie de leurs nouveaux mastodontes estampillés fantasy, les destinées du Seigneur des Anneaux : Les Anneaux de Pouvoir et de House of The Dragon se sont entremêlées. Pour de nombreux observateurs, le lancement des deux séries dans un intervalle réduit de deux semaines a provoqué une rivalité bien malgré elle, opposant le monde enchanté de la Terre du Milieu face à la brutalité plus terre à terre de Westeros.

La race humaine comparait déjà l'incomparable bien avant que les réseaux sociaux ne transforment tout en confrontations. Pour autant, le match Les Anneaux de pouvoir vs House of The Dragon n’a pas lieu d’être. On aura beau creuser plus profondément que les mines de Khazad-dûm pour trouver des arguments, rien n’y fera. En matière de narration fantastique, les deux séries se situent aux extrémités opposées d'un spectre incroyablement varié, et les comparer directement s’avère aussi réducteur (et inutile) que d'opposer Star Wars à Star Trek.

De même qu'un spectateur néophyte regardant Star Trek / Star Wars pour la première fois pourrait penser que la présence de vaisseaux spatiaux, de lasers et d'étoiles signifie qu'ils sont taillés dans la même étoffe, on ne peut nier les similitudes superficielles entre les spin-offs du Seigneur des Anneaux et de Game of Thrones.

Les deux nouvelles séries se déroulent dans des univers fantastiques riches, peuplés de personnages et de lieux aux noms aujourd’hui familiers. Bien qu'il s'agisse de préquelles d’oeuvres illustres de la pop-culture, aucune n'est basée sur un roman clairement établi - Les Anneaux de pouvoir s'inspire des appendices de JRR Tolkien propres au Seigneur des Anneaux, tandis que House of the Dragon picore des éléments de Feu et Sang, un récit secondaire de George RR Martin exposant les aléas de la dynastie Targaryen avant les événements du Trône de Fer. Jusqu'à ce que le cinquième épisode de House of the Dragon fasse écho à Game of Thrones par le biais d’un banquet tristement mémorable, on aurait pu dire qu'aucune des deux séries n'avait atteint son potentiel - leur succès reposant avant tout sur l'héritage de leurs franchises respectives.

Il y a dragon sous roche

Milly Alcock dans House of the Dragon

Hormis les dragons, difficile de trouver des points communs entre les deux univers. (Image credit: HBO)

Au fond, Le Seigneur des Anneaux est une histoire d'espoir, l'idée qu'il y a des forces vraiment mauvaises qui vivent en Terre du Milieu, mais que le bien finira toujours par triompher - même s'il faut attendre quelques milliers d'années pour obtenir sa victoire. Les notions de héros et de vilains sont clairement délimitées, dans un monde où la magie et l’éternité sont monnaie courante (si vous êtes un Elfe, du moins)... et où la plupart des problèmes peuvent être résolus en accomplissant une bonne vieille quête.

En revanche, la saga littéraire du Trône de Fer qui a inspiré la série HBO a été fortement influencée par Le Seigneur des Anneaux. Toutefois, contrairement à une grande partie des nombreux auteurs de fantasy qui ont suivi le sillage de JRR Tolkien, la narration de Martin se délecte à subvertir les tropes du premier. Westeros est un royaume où la moralité joue avec beaucoup de nuances, où la magie se fait rare, où peu de monstres sont aussi dangereux que vos semblables et où les nobles intentions sont plus susceptibles de vous faire tuer que de sauver le monde.

Ainsi, alors que Les Anneaux de Pouvoir vise un public large et familial, House of the Dragon, par sa livraison exagérée de contenus NSFW, cible une audience essentiellement mature. A part les dragons occasionnels - le showrunner Ryan Condal affirme qu'il y en a 17 dans la nouvelle série - House of the Dragon partage davantage d'ADN avec les dramas Les Tudors ou Succession qu’avec Les Anneaux de Pouvoir.

A la fin, c’est la Fantasy qui gagne

La Reine Miriel dans Les Anneaux de Pouvoir

Les Anneaux de Pouvoir et House of The Dragon servent une même maîtresse : la fantasy (Image credit: Ben Rothstein/Prime Video)

Star Trek et Star Wars ont prouvé au fil des décennies qu'il y a plus d'une façon de gérer une franchise de space opera populaire, alors - plutôt que d'expédier Les Anneaux de Pouvoir et House of the Dragon dans des querelles de chapelles factices pour émuler l’audimat, nous devrions plutôt louer leurs singularités narratives.

La fantasy à la télévision est en train de devenir une chapelle de plus en plus large justement, avec des licences parties pour durer comme The Witcher (Netflix). Et d’autres sur lesquelles les services de streaming misent beaucoup, à l’instar de La Roue du Temps sur Prime Video et Willow bientôt sur Disney Plus. Shadow and Bone (toujours Netflix) a déjà éloigné la fantasy du modèle médiéval/européen qui domine le genre depuis les essais de Tolkien - ici l’esthétique est inspirée de la Russie tsariste. Il ne s’agit d’ailleurs que de la partie émergée de l'iceberg puisque d’autres sagas orientales pourraient bientôt être adaptées pour le petit écran. Telles que La guerre du pavot de RF Kuang et Empire of Sand de Tasha Suri, deux mondes addictifs reposant respectivement sur les folklores chinois et indiens.

Tout cela n'est que de la fantasy, bien sûr, mais opposer des fictions aussi disparates les unes aux autres risque d'être aussi vain que de décider qui de Lionel Messi ou Cristiano Ronaldo est le meilleur footballeur de sa génération. Réjouissons-nous qu'il existe simultanément deux séries fantastiques à gros budget à la télévision.

Les nouveaux épisodes du Seigneur des Anneaux : Les Anneaux de Pouvoir sont diffusés sur Prime Video chaque vendredi. Ceux de House of the Dragon sont disponibles sur OCS en France, tous les lundis à partir de 3 heures du matin.

Richard Edwards

Richard is a freelance journalist specialising in movies and TV, primarily of the sci-fi and fantasy variety. An early encounter with a certain galaxy far, far away started a lifelong love affair with outer space, and these days Richard's happiest geeking out about Star Wars, Star Trek, Marvel and other long-running pop culture franchises. In a previous life he was editor of legendary sci-fi and fantasy magazine SFX, where he got to interview many of the biggest names in the business – though he'll always have a soft spot for Jeff Goldblum who (somewhat bizarrely) thought Richard's name was Winter.